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Interim Report - REPORT_NO121, 1971

CASE_NUMBER 603 (Mexico) - COMPLAINT_DATE: 11-JUL-69 - Closed

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  1. 58. La plainte figure dans une communication adressée, le 11 juillet 1969, par la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (CLASC). L'organisation plaignante a fait parvenir des informations complémentaires dans une autre communication datée du 12 août 1969. Le gouvernement a envoyé ses observations au sujet du présent cas dans trois communications en date, respectivement, des 23 septembre 1969, 15 octobre 1969 et 28 juillet 1970.
  2. 59. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à des mesures de discrimination antisyndicale

A. Allégations relatives à des mesures de discrimination antisyndicale
  1. 60. Il est affirmé dans la plainte qu'une entreprise ainsi que les autorités du travail de Chihuahua ont violé les droits syndicaux des membres du Syndicat des travailleurs de l'Entreprise de mise en bouteilles du Nord. La CLASC allègue, en substance, que des pourparlers étant en cours entre l'entreprise et le syndicat concernant la modification des tâches d'une certaine catégorie de travailleurs, l'entreprise, au lieu de signer l'accord intervenu en la matière, a congédié les travailleurs intéressés en les remplaçant par un nouveau personnel. Les plaignants déclarent que l'entreprise a offert de réintégrer ceux-ci s'ils acceptaient de signer une demande d'affiliation à un autre syndicat. Parmi les travailleurs congédiés figuraient deux dirigeants syndicaux. Le syndicat, réuni en assemblée, a décidé de donner à l'entreprise le préavis de grève pour non-observation du contrat collectif et congédiement arbitraire de dirigeants syndicaux. Ce préavis a été communiqué, le 17 juin 1969, à la Commission de conciliation et d'arbitrage. Le même jour, la commission a déclaré légalement constitué un nouveau syndicat et a enregistré le dépôt d'un contrat collectif entre ledit syndicat et l'entreprise. Entre-temps, l'Entreprise de mise en bouteilles du Nord a procédé au congédiement de tous les ouvriers syndiqués, soit au total cent vingt et un travailleurs, à l'exception de quatre qui acceptèrent de signer leur affiliation au nouveau syndicat. Le syndicat de l'entreprise a présenté devant la Commission de conciliation et d'arbitrage une demande d'annulation de l'enregistrement du nouveau syndicat et de nullité du contrat collectif signé entre ce dernier et l'entreprise. Quelques jours plus tard, la commission a rendu un arrêt déclarant « inexistante » la grève contre l'entreprise, étant entendu que « ceux qui avaient donné le préavis de grève n'étaient plus travailleurs de l'entreprise lorsqu'ils avaient donné ce préavis puisqu'ils avaient cessé de l'être un jour auparavant ». La CLASC signale dans sa plainte que les nouveaux travailleurs engagés par l'entreprise appartiennent au syndicat récemment enregistré, affilié à la Confédération des travailleurs du Mexique.
  2. 61. De l'avis des plaignants, l'entreprise a violé les dispositions légales relatives aux contrats individuels et au contrat collectif de travail; de plus, elle s'est livrée à des « pratiques déloyales » en congédiant tous les membres du syndicat de l'entreprise, y compris des dirigeants syndicaux, en reconnaissant un nouveau syndicat et en offrant de réintégrer les travailleurs congédiés s'ils acceptaient d'adhérer à ce dernier. De son côté, la Commission de conciliation et d'arbitrage n'a pas été au fond du problème en se bornant à déclarer la grève inexistante, et cela en se fondant sur une thèse absurde, étant donné que la grève était motivée précisément par le congédiement des travailleurs. Selon les plaignants, une telle attitude des autorités est propre à favoriser l'arbitraire des employeurs.
  3. 62. Dans ses observations complémentaires, la CLASC déclare que le syndicat intéressé a interjeté divers appels, notamment un recours d'amparo contre l'arrêt de la Commission de conciliation et d'arbitrage de Chihuahua, qui a qualifié la grève d'« inexistante ». Les plaignants joignent le texte d'une sentence judiciaire accordant lamparo, ordonnant à la commission d'annuler sa décision et prenant en considération les voeux émis par les travailleurs qui n'avaient pas été reconnus comme tels par la commission dans son premier arrêt. Les autres appels ont été interjetés contre la Confédération des travailleurs du Mexique (CMT), contre l'entreprise et contre les tribunaux du travail pour altération du dossier de grève. En outre, le syndicat a fait appel contre l'entreprise pour congédiement injustifié. Les plaignants signalent que, bien que le syndicat ait recouru à la voie judiciaire prévue par les lois, un rassemblement pacifique des travailleurs « a été réprimé par la police, qui fit emprisonner quinze dirigeants ». Ces personnes ont été remises en liberté au bout de trente heures. Il convient de noter également - poursuit la CLASC - la présence et l'activité de groupes dits « de choc », qui prétendaient troubler l'ordre dans les assemblées du Syndicat des travailleurs de l'Entreprise de mise en bouteilles du Nord, afin de créer un climat de violence de nature à justifier l'intervention de la force publique.
  4. 63. Dans ses premières observations, le gouvernement relève, pour l'essentiel, que les allégations n'étaient pas dirigées contre le gouvernement; que les commissions de conciliation bénéficient de l'autonomie nécessaire pour prendre leurs décisions, dans lesquelles le Pouvoir exécutif n'intervient pas, et que les questions posées étaient soumises à un arrêt judiciaire. Le gouvernement faisait savoir qu'il enverrait au BIT des informations sur tout fait nouveau survenu en la matière.
  5. 64. Dans ses observations complémentaires du 15 octobre 1969, le gouvernement se réfère au jugement d'amparo déjà mentionné, en fournissant le texte de celui-ci, lequel - ajoute-t-il - « démontre l'indépendance des tribunaux du pays et prouve que, en tout cas, les autorités mexicaines n'avaient nullement l'intention de violer la liberté syndicale ». Le gouvernement déclare que le respect de la liberté syndicale est également démontré par le fait, signalé dans la plainte, que le procureur général de Chihuahua a entrepris une enquête relative aux autres plaintes présentées par le Syndicat des travailleurs de l'Entreprise de mise en bouteilles du Nord contre les tribunaux du travail, l'entreprise et la Confédération des travailleurs du Mexique. Le gouvernement signale que « le fait de transmettre le texte d'une enquête dans laquelle figure comme responsable supposé la Commission centrale de conciliation et d'arbitrage de Chihuahua prouve l'intention du gouvernement mexicain d'aller au fond de l'affaire et de dégager les responsabilités quel que soit l'imputé ». Le gouvernement réitère, d'autre part, qu'une lutte s'est engagée entre deux organisations syndicales pour assurer la représentation des travailleurs de l'entreprise.
  6. 65. Sur la base des informations fournies par les plaignants et par le gouvernement, le comité a noté, à sa session de février 1970, que le syndicat a sollicité et obtenu le jugement d'amparo contre la décision de la Commission centrale de conciliation et d'arbitrage. Nonobstant, il a estimé que certaines questions de fond demeuraient encore en instance qui, telles qu'elles sont présentées dans les allégations, sont en rapport avec l'exercice des droits syndicaux.
  7. 66. Les violations alléguées de la liberté syndicale ont trait, d'une part, à l'ingérence de l'entreprise, qui a incité les travailleurs à abandonner leur syndicat pour s'affilier à une autre organisation distincte, d'autre part, au congédiement de dirigeants et de membres du syndicat dans le dessein, comme la plainte le laissait à entendre, de traiter dorénavant avec un nouveau syndicat. Les plaignants signalaient, en outre, que la Commission de conciliation et d'arbitrage de Chihuahua s'est conduite de façon préjudiciable aux droits syndicaux des travailleurs congédiés et de leur syndicat en favorisant l'entreprise et le nouveau syndicat. Le comité a estimé que les allégations formulées posaient des problèmes qu'il convenait d'examiner à la lumière des principes appliqués par le comité dans des cas similaires, notamment à la lumière du principe énoncé à l'article 1 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Aux termes dudit article, les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi; une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de nature à lui porter préjudice, par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale.
  8. 67. Certains aspects de la question paraissaient devoir être réglés par la voie judiciaire, sur la base des appels interjetés par le syndicat intéressé et de l'enquête entreprise par le procureur général de l'Etat de Chihuahua. Considérant qu'avant de poursuivre l'examen du présent cas il serait utile de disposer d'informations précises sur le cours et les résultats de la procédure judiciaire et de l'enquête dont il s'agit, le comité a demandé l'envoi, aussi rapidement que possible, de telles informations, ainsi que, d'une manière générale, la communication de tout fait nouveau survenu en la matière.
  9. 68. D'autre part, le gouvernement, dans ses observations, ne se référait pas de façon spécifique aux allégations selon lesquelles il aurait été porté obstacle, par la détention temporaire de dirigeants syndicaux et l'action de groupes de choc d'une organisation syndicale rivale, aux réunions du syndicat intéressé.
  10. 69. Dans ces conditions, le comité a estimé nécessaire, avant de poursuivre l'examen du cas, de prier le Directeur général de demander au gouvernement les informations complémentaires auxquelles il est fait allusion au paragraphe 67 ci-dessus, ainsi que ses observations au sujet des allégations mentionnées au paragraphe 68.
  11. 70. Dans sa communication du 28 juillet 1970, le gouvernement présente des observations sur divers aspects du cas restés en suspens. En ce qui concerne l'enquête à charge du procureur de l'Etat de Chihuahua effectuée pour déterminer les responsabilités des fonctionnaires membres du Conseil central de conciliation et d'arbitrage qui sont intervenus dans le différend du travail, le gouvernement estime que la sanction qui pourra frapper ceux qui ont prononcé la résolution annulée dans le jugement d'amparo n'a pas de rapport direct avec la liberté syndicale. Le gouvernement ajoute que, par respect pour sa propre souveraineté, il ne saurait se prononcer sur la décision qui sera prise concernant ses propres fonctionnaires. En ce qui concerne les activités de groupes de choc dans le conflit intersyndical évoquées dans la plainte, le gouvernement déclare qu'étant donné le fait que de tels événements impliquent une atteinte à l'ordre public il a pris, comme il devait le faire, toutes les mesures nécessaires pour rétablir la paix sociale. Quant aux allégations selon lesquelles la police serait intervenue lors d'une réunion de travailleurs et quinze dirigeants syndicaux auraient été détenus trente heures durant, le gouvernement déclare n'avoir pas connaissance des faits allégués.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 71. Le comité recommande au Conseil d'administration de prendre dûment note des explications du gouvernement. En ce qui concerne toutefois la dernière des allégations, le comité croit utile de rappeler l'opinion qu'il avait exprimée en diverses occasions antérieures et selon laquelle l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels finalement aucun chef d'inculpation n'est retenu pourrait entraîner des restrictions à la liberté syndicale et que, dans un tel cas, il est important que les gouvernements prennent les dispositions nécessaires afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation.
  2. 72. Le gouvernement n'a fourni aucune information en ce qui concerne l'action en justice intentée par le Syndicat des travailleurs de l'Entreprise de mise en bouteilles du Nord contre ladite entreprise et, en particulier, en ce qui concerne les licenciements effectués par cette dernière. Le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur cet aspect du cas et, en tout état de cause, sur la situation actuelle des travailleurs qui ont été licenciés, en ajournant son examen de cet aspect de la plainte.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 73. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note des explications données par le gouvernement en ce qui concerne l'enquête effectuée pour déterminer les responsabilités des fonctionnaires membres du Conseil central de conciliation et d'arbitrage, l'activité qui aurait été déployée par des groupes de choc dans le conflit intersyndical évoquée dans la plainte et l'allégation relative à l'intervention de la police et la détention de dirigeants syndicaux;
    • b) d'appeler l'attention du gouvernement sur les considérations contenues au paragraphe 71 ci-dessus;
    • c) de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur les actions judiciaires intentées par le Syndicat des travailleurs de l'Entreprise de mise en bouteilles du Nord contre ladite entreprise et, en tout état de cause, sur la situation actuelle des travailleurs licenciés;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement à l'alinéa c) ci-dessus.
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