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Observation
  1. 2023
  2. 2005

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La commission note les observations de la Confédération Générale du Travail (CGT) reçues le 29 août 2023 et des réponses du gouvernement à cet égard. La commission relève que les observations de la CGT contiennent en particulier des allégations: i) de restrictions à l’exercice des droits collectifs, y compris la négociation collective lors de la pandémie de COVID-19; et ii) d’actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé dans un contexte général, selon la CGT, d’atteinte croissante aux droits syndicaux. La commission note également sur ce dernier point les éléments généraux contenus dans l’observation de la Confédération française de l’encadrement-Confédération Générale des Cadres (CFE-CGC) présentée à propos de l’application de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et des réponses correspondantes du gouvernement. La commission prend bonne note des réponses détaillées du gouvernement sur les mesures prises pour faciliter la négociation collective ainsi que les activités de représentation des travailleurs dans le contexte spécifique de la pandémie. La commission note également les éléments du gouvernement concernant les mécanismes de protection contre la discrimination antisyndicale ainsi que les réponses fournies à certaines allégations spécifiques. Au vu des allégations de caractère général des organisations syndicales en matière de discrimination antisyndicale, la commission prie le gouvernement de mener un dialogue avec les partenaires sociaux représentatifs sur l’efficacité des mesures de prévention et de sanction des actes de discrimination antisyndicale. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.

Suivi des recommandations d ’ un comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l ’ article 24 de la Constitution de l ’ OIT) 

La commission note qu’en mars 2023, le Conseil d’administration a approuvé le rapport du comité tripartite chargé d’examiner une réclamation déposée par la Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) et la CGT au titre de l’article 24 de la Constitution de l’OIT (GB.347/INS/18/3) concernant l’application par la France des conventions nos 87 et 98 et concernant certains aspects circonscrits des réformes adoptées en 2016 et 2017 en matière de dialogue social et de négociation collective. La commission relève que le Comité tripartite a demandé à la commission d’experts d’effectuer un suivi de ses recommandations, qui concernent particulièrement l’application de l’article 4 de la présente convention. La commission note que le comité a prié le gouvernement de: i) engager le dialogue avec les partenaires sociaux afin d’assurer que la législation concernant l’articulation entre les différents niveaux de négociation soit mise en œuvre d’une manière qui garantisse le principe de la négociation collective libre et volontaire; ii) examiner et évaluer avec les partenaires sociaux concernés l’application des dispositions attribuant à l’employeur la faculté de convoquer une consultation des salariés pour faire approuver un accord d’entreprise qui n’aurait pas été appuyé par les organisations syndicales majoritaires dans l’entreprise et que les syndicats signataires n’auraient pas soumis à un référendum sur le lieu de travail; et iii) informer de la mise en œuvre des réformes et de leurs effets sur la négociation collective dans la pratique. Tout en notant les indications du gouvernement sur les arrêts du Conseil d’État du 7 octobre 2021 examinés plus avant dans le cadre du présent commentaire, la commission prie le gouvernement de: i) fournir des informations sur le dialogue avec les partenaires sociaux requis par le comité tripartite concernant, d’une part, la mise en œuvre de la réforme en matière d’articulation des niveaux de la négociation et, d’autre part, la consultation des salariés à l’initiative de l’employeur aux fins de l’adoption d’un accord d’entreprise;etii) continuer à fournir des informations sur la mise en œuvre et les effets des réformes de 2016 et de 2017 en matière de négociation collective.
Articles 1 et 4 de la convention. Protection contre la discrimination antisyndicale et promotion de la négociation collective des travailleurs de plateformes considérés comme indépendants. La commission rappelle que, ayant pris note des initiatives prises par le gouvernement à cet égard, elle l’avait prié d’informer de l’adoption de tout texte concernant l’exercice des droits reconnus par la convention aux travailleurs de plateformes, quel que soit leur statut contractuel. La commission note que le gouvernement indique que: i) l’ordonnance no 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation, ratifiée par la loi no 2022-139 du 7 février 2022, a organisé la représentation des travailleurs des plateformes sur le principe d’une élection nationale sous l’égide d’un nouvel établissement public, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE); ii) des dispositions de protection des représentants des travailleurs s’appliquent pendant leur mandat et pour une durée de six mois après la fin de ce mandat: la rupture par la plateforme du contrat commercial conclu avec un représentant des travailleurs pendant cette période de protection est soumise à une autorisation administrative préalable et un représentant qui estime subir une baisse d’activité du fait de la plateforme peut saisir le tribunal judiciaire, la charge de la preuve étant alors déplacée; iii) La première élection des organisations représentant les travailleurs des plateformes a été réalisée en mai 2022; iv) L’ordonnance no 2022-492 du 6 avril 2022 organise pour les secteurs de la conduite de voitures de tourisme avec chauffeur et celui des activités de livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues le dialogue social et la négociation collective au niveau sectoriel; v) Pour être valide, l’accord collectif de secteur doit être signé par au moins une organisation de plateformes et par des organisations de travailleurs représentant plus de 30 pour cent des suffrages exprimés lors des élections et ne pas avoir rencontré l’opposition d’organisations de travailleurs représentant 50 pour cent des suffrages exprimés; vi) L’accord conclu s’applique aux plateformes adhérentes aux organisations signataires et à leurs travailleurs relevant des secteurs concernés; il s’impose aux contrats commerciaux liant les plateformes et les travailleurs du secteur concerné, sauf s’agissant des stipulations plus favorables dans les contrats commerciaux; et vii) l’ordonnance prévoit l’obligation d’engager une négociation tous les ans au niveau du secteur sur certains thèmes. La commission note avec satisfaction l’adoption des instruments précités reconnaissant et organisant les droits collectifs des travailleurs indépendants de plateformes et, pour deux secteurs spécifiques, établissant un cadre complet facilitant l’exercice du droit de négociation collective des travailleurs indépendants concernés. À cet égard, la commission note avec intérêt la signature en 2023 de plusieurs accords collectifs dans les deux secteurs mentionnés et relatifs, entre autres, à la rémunération des travailleurs indépendants et aux conditions régissant la rupture de leur relation contractuelle avec la plateforme. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour que tous les travailleurs de plateformes, quel que soit leur type d’activités et leur statut contractuel, puissent exercer de manière effective les droits reconnus par la convention. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations à cet égard.
Article 4. Négociation collective avec des acteurs non syndicaux au sein de petites entreprises. La commission rappelle que, sur la base d’observations successives de la CGT FO, de la CFE-CGC et de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), elle s’est penchée sur les possibilités de conclusion d’accords par le biais d’acteurs non syndicaux ouvertes par l’ordonnance de 2017.
Sur la base des informations fournies par le gouvernement, la commission rappelle qu’elle a constaté l’existence de trois principales modalités de conclusion d’accords collectifs dans les petites entreprises, soumises chacune à des règles et conditions spécifiques: i) la conclusion d’un accord avec un ou plusieurs délégués syndicaux ou un ou plusieurs salariés mandatés par une organisation syndicale (ces derniers pouvant être également des représentants du personnel élus); ii) en l’absence de délégué syndical, la conclusion d’un accord avec un ou plusieurs représentants élus du personnel non mandatés par une organisation syndicale; et iii) l’approbation sous certaines conditions dans les entreprises allant jusqu’à 20 salariés d’une proposition de l’employeur par un vote direct des salariés de l’entreprise à la majorité des deux-tiers. La commission a constaté que la première modalité s’inscrit dans le cadre de l’article 4 de la convention en vertu duquel la négociation collective a lieu entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part. Pour ce qui concerne la deuxième modalité, la commission a rappelé que la négociation directe avec des représentants élus par les travailleurs ne devrait être possible qu’en l’absence d’organisations syndicales au niveau considéré. Pour ce qui concerne la troisième modalité, la commission a considéré que l’adoption par un vote direct des salariés d’une proposition de l’employeur ne présente pas les caractéristiques d’un mécanisme de négociation collective au sens de la convention. Sur la base de ces éléments, la commission a prié le gouvernement de: i) préciser, lorsqu’il existe dans une petite entreprise un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative aux fins de la négociation collective, si l’employeur pouvait librement choisir un autre mode de conclusion d’un accord collectif; ii) continuer à fournir des statistiques sur l’utilisation des différentes modalités de conclusion d’accords collectifs dans les petites entreprises; et iii) continuer à fournir des informations sur les mesures de promotion de la négociation collective entre l’employeur et les organisations de travailleurs au sein des petites entreprises.
Concernant le choix par l’employeur des modes de conclusion d’un accord, la commission note que le gouvernement indique que: i) dans les entreprises de moins de 50 salariés et en l’absence de délégué syndical, le code du travail permet à l’employeur d’opter pour une négociation soit avec un salarié mandaté par un syndicat, soit avec un salarié élu, mandaté ou non; et ii) Dans les entreprises employant entre 11 et 20 salariés, en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE), l’employeur peut opter pour une négociation avec un salarié mandaté par un syndicat ou pour la consultation directe des salariés.
La commission note les informations fournies par le gouvernement sur les différents types d’accords conclus en 2021 dans les petites entreprises: i) pour les entreprises de moins de 50 salariés dans leur ensemble, 24,8 pour cent des accords ou avenants hors épargne salariale ont été signés par des délégués syndicaux (19 pour cent en 2020), 14,1 pour cent par des élus et salariés mandatés par des organisations syndicales (17,7 pour cent en 2020); 20,2 pour cent par des élus non mandatés par des organisations syndicales (20,7 pour cent en 2020) et 40,2 pour cent par des votes de salariés à la majorité des deux tiers (41 pour cent en 2020); et ii) 40,2 pour cent des accords hors épargne salariale ont été conclus par des votes des salariés à la majorité des deux tiers dans les entreprises de 11 à 20 salariés (72,9 pour cent en 2020) et 82,6 pour cent dans les entreprises de moins de 11 salariés (89 pour cent en 2020). La commission note que le gouvernement affirme que le développement du recours à des modalités alternatives de signature dans les petites entreprises ne se substitue pas à la négociation avec les représentants d’organisations syndicales puisque la proportion d’accords signés avec des délégués syndicaux a progressé en 2021 et la présence de ceux-ci dans les entreprises de 10 à 49 salariés étant d’ailleurs passée de 3,6 pour cent en 2014 à 4,5 pour cent en 2021.
La commission note que le gouvernement ajoute que: i) le salarié mandaté par un syndicat n’est pas habilité à représenter le syndicat dans l’entreprise de manière permanente mais seulement pour une négociation ponctuelle; ii) seules les organisations syndicales peuvent présenter des candidats au premier tour des élections du CSE et 54 pour cent des salariés élus du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés sont syndiqués; iii) la modalité du mandatement syndical d’un salarié est très rarement utilisée; et iv) la conclusion d’accords par un vote de la majorité des deux tiers du personnel ne consiste pas en une simple approbation de la décision de l’employeur mais donne lieu à un dialogue entre les salariés et ce dernier.
La commission note que le gouvernement rappelle également que: i) pour éviter que toutes les petites entreprises ne soient structurellement exclues des possibilités offertes par l’accord d’entreprise, il a été prévu des modalités de négociation adaptées à leurs spécificités, notamment à celles des entreprises dépourvues de tous acteurs syndicaux (salariés mandatés ou élus du personnel syndiqués ou mandatés), ce qui a conduit à un accroissement significatif des accords conclus dans ce type d’entreprises; et ii) est prévue depuis 2012 l’organisation tous les quatre ans d’une élection visant à mesurer l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés.
La commission prend bonne note de ces différents éléments. Rappelant que l’article 4 de la convention contient une obligation de promouvoir la négociation avec les organisations de travailleurs, la commission est dans le même temps consciente du contexte spécifique de la négociation collective dans les petites et très petites entreprises du fait, en particulier, de la faible présence syndicale en leur sein. La commission reconnaît à cet égard les efforts du gouvernement pour permettre la conclusion d’accords dans les petites entreprises ainsi que l’existence de mécanismes spécifiques (en particulier le mandatement) pour que ces accords soient conclus avec des acteurs syndicaux. La commission souligne toutefois la nécessité que les travailleurs et leurs organisations puissent mettre en œuvre ce type de mécanismes de manière autonome. Dans ce sens, la faculté attribuée à l’employeur de pouvoir écarter une négociation avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative au profit d’autres modalités d’accords n’impliquant pas d’acteurs syndicaux, n’apparaît pas conforme à la convention dans la mesure où: i) elle ne promeut pas la négociation collective avec les organisations de travailleurs tel qu’établi par l’article 4 de la convention; et ii) en vertu des principes de non -ingérence et de négociation collective libre et volontaire établis respectivement par les articles 2 et 4 de la convention, il appartient aux travailleurs et non à l’employeur de choisir leurs représentants à la négociation. Sur la base de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour: i) assurer que les mécanismes de conclusion d’accords collectifs n’impliquant pas la participation des organisations syndicales ne soient possible qu’en l’absence d’acteurs syndicaux aptes à négocier collectivement dans l’entreprise considérée; et ii) assurer qu’en cas de pluralité d’options de représentation des travailleurs à la négociation collective, ce choix n’incombe pas à l’employeur. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises à cet égard.
Faculté de dérogation par des accords conclus par des acteurs non syndicaux de clauses protectrices contenues dans des accords de niveau supérieur négociés par des organisations syndicales. La commission rappelle qu’elle a constaté qu’à la suite des réformes introduites par l’ordonnance de 2017, les accords d’entreprises non signés par une organisation syndicale, en particulier dans les entreprises de moins de 50 salariés, y compris ceux procédant d’une proposition de l’employeur soumise au vote des salariés, sont en mesure de mettre à l’écart, sur un nombre significatif de thèmes ouverts à la négociation collective, les clauses plus favorables aux salariés établies dans des conventions de branche négociées et signées par des organisations syndicales représentatives. La commission a souligné que cette faculté n’est pas conforme à l’obligation de promotion de la négociation collective consacrée par l’article 4 de la convention et a donc prié le gouvernement, d’une part de fournir des informations sur la mise en œuvre dans la pratique de cette possibilité de dérogation et, d’autre part, de prendre les mesures nécessaires pour réviser la faculté de dérogation des accords de niveau supérieur dont jouissent les accords conclus par des acteurs non syndicaux.
La commission prend note que le gouvernement se réfère aux arrêts du Conseil d’État du 7 octobre 2021 qui établissent que le montant minimal de la rémunération globale fixée par un accord de branche s’impose à l’entreprise, la marge de manœuvre laissée à l’accord d’entreprise portant uniquement sur la façon d’atteindre ce minimum. La commission comprend que cette information a pour but d’indiquer les limites existant aux facultés de dérogation reconnues aux accords d’entreprises par l’ordonnance de 2017.
Tout en rappelant qu’en vertu de ladite ordonnance, à l’exception d’un nombre de thèmes précisément définis par la loi, le contenu des accords d’entreprises prévaut dorénavant sur celui des accords de niveau supérieur (art. L2253-3 du Code du travail), la commission observe que le gouvernement ne fournit pas d’ informations sur le point spécifique soulevé dans ses commentaires précédents, à savoir la faculté reconnue aux accords conclus par des acteurs non syndicaux de déroger aux accords de niveau supérieur signés par les partenaires sociaux. Soulignant de nouveau que cette possibilité n’est pas conforme à l’obligation de promotion de la négociation collective avec les organisations de travailleurs consacrée par l’article 4 de la convention, la commission prie le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pourréviser lafaculté reconnue aux accords d’entreprise conclus par des acteurs non syndicaux de déroger aux clauses protectrices des accords de niveau supérieur signés par les partenaires sociaux. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
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