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Discrimination (Employment and Occupation) Convention, 1958 (No. 111) - Mauritania (RATIFICATION: 1963)

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La commission prend note des observations formulées par la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM), reçues le 29 août 2023.
Article 1, paragraphe 1, de la convention. Définition et interdiction de la discrimination. Législation. La commission note que, dans ses observations, la CGTM reprend les demandes de la commission relatives à la loi no 2018-023 portant incrimination de la discrimination. Elle note toutefois avec regret que le rapport du gouvernement ne contient aucune information en réponse à ses précédents commentaires. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de revoir la définition de la discrimination à l’article 1 de la loi no 2018-023 portant incrimination de la discrimination afin qu’elle couvre, sans restriction, l’ensemble des discriminations visées à l’article 1 de la convention. En outre, afin d’éviter toute confusion juridique et de clarifier le cadre légal applicable à la discrimination dans l’emploi et la profession, elle le prie également de prendre des dispositions pour modifier les articles 4 et 20 de cette loi concernant les motifs de discrimination interdits afin de les aligner, au minimum, avec le Code du travail et les dispositions de l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention, en précisant les aspects de l’emploi et de la profession couverts, conformément à l’article 1, paragraphe 3, de la convention.
Article 1, paragraphe 1 a). Discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance nationale ou l’origine sociale. Anciens esclaves et descendants d’esclaves. La commission note avec regret qu’une fois encore le rapport du gouvernement ne contient pas d’information sur ce point. Toutefois, elle note que le Rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, qui s’est rendu en Mauritanie du 4 au 13 mai 2022, a constaté que la Mauritanie avait réalisé des progrès considérables en la matière mais a fait observer que l’esclavage par ascendance persistait dans certaines régions du pays et a appelé l’attention sur plusieurs domaines dans lesquels les esclaves et les personnes sorties de l’esclavage, ainsi que leurs descendants, étaient victimes d’exclusion sociale, économique et politique. À cet, égard, il a recommandé que […] «les autorités prennent des mesures en vue […] d’éliminer la discrimination à l’égard des victimes [d’esclavage]». Il a relevé en particulier que: 1) «[d]e nombreuses victimes de l’esclavage restent économiquement, socialement et culturellement dépendantes des personnes qui les avaient réduites en esclavage, car elles n’ont pas de perspectives viables»; et 2) «[c]elles qui trouvent un autre travail sont souvent cantonnées à des emplois caractérisés par la précarisation, et donc la précarité, l’exploitation et les mauvais traitements, parce qu’elles sont victimes de discrimination, ont un faible niveau d’instruction, n’ont pas de papiers et n’ont qu’un accès limité aux actifs productifs, notamment la terre». Le Rapporteur spécial a souligné que l’agence Taazour s’employait principalement à lutter contre la pauvreté au moyen de projets d’infrastructures et de transferts en espèces qui bénéficiaient certes à des victimes de l’esclavage mais qui ne s’attaquaient pas nécessairement aux problèmes structurels qui maintiennent ces victimes dans la pauvreté, notamment la discrimination et les inégalités profondément ancrées qui entravent l’accès à l’éducation, aux services publics et à un travail décent. Il a estimé que «des mesures positives ciblant expressément les communautés haratine et négro-mauritanienne sont nécessaires pour rompre le cycle de la discrimination, de la pauvreté et de la dépendance et mettre fin aux séquelles de l’esclavage qui perdurent depuis des siècles et recommande l’adoption de mesures de discrimination positive dans les domaines où les victimes de l’esclavage sont laissées pour compte ou sous-représentées et notamment en ce qui concerne l’accès à la terre, au logement, à l’éducation et à la formation professionnelle, à l’état civil, à la protection sociale, à l’aide à la création d’entreprise et à l’emploi dans le secteur public» (A/HRC/54/30/Add.2, 21 juillet 2023, paragr. 45, 59, 60, 72). La commission note qu’un nouveau projet de coopération du BIT intitulé «L’autonomisation au service de la résilience: lutte des survivants contre l’esclavage et la discrimination fondée sur l’esclavage en Mauritanie et au Niger grâce à des partenariats sociaux sectoriels et à la collaboration sous-régionale (2022-2026)» est en cours et a notamment pour objectif de permettre aux victimes d’esclavage par ascendance et de discrimination fondée sur l’esclavage de créer des sources de revenus indépendantes et diversifiées dans des secteurs ciblés (résultat 3). Prenant note de ces informations et renvoyant également à ses commentaires de 2022 sur l’application de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures concrètes pour: i) éliminer la stigmatisation et la discrimination, en particulier les préjugés sociétaux à l’égard des anciens esclaves et descendants d’esclaves; ii) promouvoir l’égalité sans distinction d’origine sociale, de race, de couleur ni d’ascendance nationale dans l’emploi et la profession; et iii) encourager l’éducation, la formation et l’emploi des personnes affectées par la stigmatisation et la discrimination fondées sur l’origine sociale, la race, la couleur, ou l’ascendance nationale. Elle prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur: i) les mesures prises en ce sens et les résultats obtenus; et ii) la mise en œuvre du Projet du BIT susmentionné dans le pays en termes de lutte contre la discrimination dans l’emploi et la profession.
Discrimination fondée sur le sexe. Harcèlement sexuel. La commission rappelle: 1) qu’il n’existe à ce jour aucune mesure, en droit et en pratique, pour lutter contre le harcèlement sexuel; et 2) que des mesures avaient été envisagées par le gouvernement, via un projet de loi, pour lutter contre la violence, y compris le harcèlement sexuel. La commission prend note de l’indication très générale du gouvernement selon laquelle, afin de renforcer la protection des femmes et des filles et éliminer toute forme de discrimination contre elles, il compte renforcer le cadre juridique pertinent dans les meilleurs délais. Par ailleurs, la commission prend note des conclusions préliminaires publiées le 6 octobre 2023 par le Groupe de travail des Nations Unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, qui a effectué une mission de 12 jours dans le pays, selon lesquelles: 1) les femmes seraient parfois gravement harcelées sur leur lieu de travail et se sentiraient contraintes de quitter leur emploi; et 2) le harcèlement sexuel et la violence fondée sur le genre perpétrés par des enseignants ont été signalés comme étant des problèmes contribuant aux taux d’abandon scolaire des filles. La commission rappelle que, pour être efficace, la protection contre le harcèlement sexuel doit couvrir: 1) l’ensemble des travailleurs, hommes et femmes; 2) non seulement l’emploi et la profession, mais aussi l’éducation et la formation professionnelle, l’accès à l’emploi et les conditions d’emploi; 3) toutes les formes de harcèlement sexuel; et 4) tous les auteurs de harcèlement sexuel, y compris les collègues, les clients et les tiers. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures efficaces, en droit et en pratique, pour: i) définir, prévenir et interdire le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession qui couvrent non seulement le harcèlement qui s’apparente à un chantage sexuel (quid pro quo) mais aussi le harcèlement qui résulte d’un environnement de travail hostile; et ii) informer et sensibiliser les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives ainsi que les inspecteurs du travail et les magistrats aux questions liées au harcèlement sexuel (prévention, traitement des cas, procédure de plaintes, assistance et droits des victimes, etc.). La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur l’état d’avancement des travaux législatifs concernant le projet de loi relatif aux violences à l’encontre des femmes et des filles auquel le gouvernement se référait dans son précédent rapport et des informations précises sur son contenu en matière de harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession.
Articles 2, 3 a) et 5. Égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes. Mesures positives en faveur des femmes. La commission note avec regret que, dans son rapport, le gouvernement se contente d’indiquer sans autre qu’il prend des mesures efficaces et positives pour renforcer l’égalité entre hommes et femmes dans l’emploi et la profession. S’agissant de la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes et des filles et de la promotion de l’égalité de genre, la commission prend note par ailleurs des conclusions préliminaires publiées le 6 octobre 2023 par le Groupe de travail des Nations Unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, qui a effectué une mission de douze jours dans le pays, selon lesquelles: 1) la pauvreté vécue par les femmes et les filles découle souvent d’échecs systémiques flagrants, enracinés dans la discrimination et l’exclusion basée sur le genre, qui se manifestent par l’absence de travail décent, le manque d’éducation accessible et de qualité, l’inégalité des droits d’accès à la terre et au logement, et l’insécurité alimentaire chronique; 2) le cercle vicieux de la pauvreté et de l’exploitation touche particulièrement les femmes qui subissent des formes multiples et croisées de discrimination, notamment les femmes en milieu rural, les femmes et les filles migrantes et réfugiées, les femmes vivant avec un handicap et les femmes de certains groupes ethniques; 3) l’accès au crédit demande un défi majeur pour de nombreuses femmes et limite leurs opportunités entrepreneuriales et leur capacité à améliorer leurs conditions de vie; 4) seulement 6 pour cent des femmes possèdent des terres (4,2 pour cent des femmes vivant dans les zones rurales); 5) les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail sont manifestes, avec seulement 26,4 pour cent de femmes actives par rapport à 56,6 pour cent d’hommes; 6) en 2018, seulement 11 pour cent des entreprises étaient détenues par des femmes et, en 2014, seules 5 pour cent des entreprises mauritaniennes comptaient des femmes parmi leurs cadres supérieurs; 7) les femmes prédominent dans les secteur informel et précaire (76,5 pour cent d’entre elles y travaillent contre 42,9 pour cent des hommes); cette situation reflétant une discrimination structurelle, renforcée par la persistance de stéréotypes, d’attentes et de normes basées sur le genre; 8) les femmes et les filles assument souvent la majeure partie, voire la totalité, des responsabilités liées aux soins non rémunérés et aux travaux ménagers, généralement désignés comme le «travail domestique féminin»; et 9) l’absence d’options de garde d’enfants fournies par l’État entrave également la possibilité pour les femmes de travailler en dehors de leur domicile et de s’émanciper économiquement. La commission prend note des conclusions finales du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) notant la création de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles par décret n° 2020/140 et mentionnant entre autres les recommandations suivantes: 1) sensibiliser à l’importance de l’éducation des filles et des femmes à tous les niveaux en tant que fondement de leur autonomisation et du développement du pays, ainsi que de promouvoir l’achèvement des études secondaires par les filles et les femmes et leur accès à l’enseignement supérieur; 2) améliorer l’accès des femmes à l’emploi à temps plein dans l’économie formelle, notamment en renforçant les programmes d’alphabétisation et les possibilités de formation professionnelle pour les femmes, l’accent étant mis sur les groupes de femmes défavorisés; 3) appliquer efficacement la législation du travail protégeant les droits des femmes sur le lieu de travail en renforçant les inspections du travail et en établissant des mécanismes de plainte confidentiels et indépendants, ainsi qu’en sensibilisant la population à l’égalité des droits des femmes en matière d’emploi; 4) abroger l’article 57 du Code du statut personnel [qui prévoit que «[l]’épouse peut, sous réserve des prescriptions de la Charia, exercer, en dehors du domicile conjugal, toute profession.»] et éliminer toute autre restriction à la participation des femmes à certaines professions ou à certains types de travail; et 5) veiller à ce que le travail non rémunéré des femmes soit reconnu, réduit et redistribué, notamment en augmentant la disponibilité de structures d’accueil abordables pour les enfants et en encourageant la participation des hommes aux tâches domestiques et familiales (CEDAW/C/MRT/CO/4, 2 mars 2023, paragr. 5, 33, 35 et 39). La commission relève également que, dans ses observations, la CGTM souligne que certaines perceptions sociologiques et rétrogrades, notamment sur l’égalité de genre, devraient faire l’objet de larges campagnes de formation et de vulgarisation au niveau national et dans tous les secteurs socio-professionnels. La commission prie instamment le gouvernement de mettre en place une véritable politique d’égalité des genres dans l’emploi et la profession, en collaboration avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, et, plus particulièrement, de prendre des mesures concrètes pour: i) promouvoir l’accès des femmes à un plus large éventail d’emplois formels, notamment aux emplois traditionnellement réservés aux hommes et aux postes à responsabilités et ainsi lutter contre la ségrégation professionnelle horizontale et verticale entre les hommes et les femmes; ii) améliorer l’accès des femmes aux ressources productives, en particulier au crédit et à la terre, et aux nouvelles technologies; iii) lutter activement contre les barrières socio-culturelles et les stéréotypes de genre, notamment via des campagnes de sensibilisation; et iv) mieux concilier les responsabilités familiales et professionnelles et partager les responsabilités domestiques. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) toute mesure prise en ce sens et les résultats obtenus; ii) la mise en œuvre et les résultats de la Stratégie nationale pour l’institutionnalisation du genre (2015-2025); iii) les activités de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles concernant l’emploi et l’accès aux ressources productives; et iv) des données statistiques récentes, ventilées par sexe, sur la participation des femmes et des hommes dans le secteur privé et dans le secteur public (fonction publique et autres).
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024.]
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