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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Brazil (RATIFICATION: 1957)

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La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations présentées par la Centrale unique des travailleurs (CUT) et de la réponse que le gouvernement a apportée à ces observations, reçus respectivement en octobre 2008, septembre 2008 et mars 2009.

Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la convention. Travail esclave. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, malgré l’ensemble des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le «travail esclave», de nombreux travailleurs continuent à être victimes de conditions de travail inhumaines et dégradantes, de servitude pour dettes ou de traite interne à des fins d’exploitation de leur travail. La commission a souligné en particulier: l’adaptation de la législation aux circonstances nationales avec l’article 149 du Code pénal qui définit les éléments constitutifs du crime de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave»; les activités développées par des institutions spécialisées dans la lutte contre ce phénomène; les actions de l’inspection du travail, et tout spécialement du Groupe spécial d’inspection mobile, qui chaque année ont permis de sortir un nombre croissant de travailleurs de ces situations d’exploitation; l’action de la justice du travail qui a condamné les personnes se livrant à cette exploitation à des amendes et des indemnisations substantielles. Constatant que toutes ces actions ne se sont pas révélées suffisamment dissuasives pour empêcher certains employeurs de recourir à cette pratique qui est restée lucrative, la commission a prié le gouvernement de poursuivre dans la voie d’une lutte sans merci contre les personnes qui imposent du travail forcé en prenant des mesures dans les domaines législatif, de l’inspection du travail et judiciaire.

a)Renforcement du cadre juridique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que plusieurs projets de loi avaient été déposés, dont l’objectif était de porter atteinte aux intérêts économiques et financiers de ceux qui exploitent la main-d’œuvre esclave, et elle avait demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures possibles pour accélérer leur adoption. La commission relève, d’après le rapport du gouvernement et les observations de la CUT, que ces initiatives législatives n’ont toujours pas abouti et que, malgré la mobilisation du gouvernement et de la société civile, certains membres du parlement continuent à bloquer l’adoption de ces textes. Elle rappelle qu’elle a considéré que, s’ils étaient adoptés, ces projets constitueraient des outils complémentaires importants de la lutte contre le travail esclave; en particulier, le projet visant à donner une base légale à l’interdiction, pour les personnes reconnues comme ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave, d’obtenir des avantages fiscaux et des crédits ou de participer à des marchés publics, ainsi que le projet visant à aggraver les peines applicables au crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave. Par ailleurs, constitue également une initiative importante le projet d’amendement à l’article 243 de la Constitution (PEC no 438/2001) destiné à autoriser l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave aurait été constatée. Cet amendement prévoit également que les terres expropriées seront destinées à la réforme agraire et réservées en priorité aux personnes victimes de travail esclave sur lesdites exploitations.

Statut et utilisation de la liste répertoriant les personnes utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave. Depuis 2003, les personnes physiques ou morales reconnues, par décision de justice définitive, comme ayant utilisé de la main-d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage figurent sur une liste établie par le ministère du Travail et de l’Emploi. La liste, actualisée tous les six mois, est communiquée à différents organes de l’administration publique et aux banques administrant les fonds constitutionnels et régionaux de financement, de manière à ce que les personnes qui y figurent ne bénéficient d’aucune aide, subvention ou crédit publics. Pendant les deux ans suivant l’inclusion d’un nom dans la liste, l’inspection du travail vérifie les conditions de travail dans les exploitations concernées. En l’absence de récidive et si les amendes et les dettes envers les travailleurs ont été réglées, le nom peut sortir de la liste (décret no 540 du ministère du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 2004). La commission note que, suite à la dernière révision de la liste, en juillet 2009, 34 noms sont sortis de la liste, tandis que 13 l’ont intégrée, ce qui porte le nombre total de personnes physiques ou morales comprises dans la liste à 175 (contre 192 en 2007).

Dans ses précédents commentaires, la commission avait constaté avec préoccupation que la légalité et la constitutionnalité de cette liste étaient contestées, et que des tribunaux avaient accepté les recours de certains employeurs demandant leur sortie de la liste, à titre de mesure conservatoire. Le gouvernement avait précisé que, pour mettre fin à cette controverse, un projet de loi instituant la liste des employeurs ayant maintenu des travailleurs dans des conditions analogues à l’esclavage avait été déposé, afin de conférer un caractère légal à la liste jusqu’à présent établie par arrêté ministériel (PLS no 25/05). La commission constate que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur l’état d’avancement de ce projet de loi mais indique que la jurisprudence dominante des tribunaux régionaux du travail reconnaît la légalité de la liste.

La commission note également, d’après les informations communiquées par le gouvernement, que la liste sert de base à l’étude de la situation foncière et cadastrale des biens immobiliers des personnes y figurant. Lorsqu’une irrégularité est constatée, les biens sont réservés pour les projets de réforme agraire. Elle avait déjà relevé que le fait de figurer sur la liste était utilisé pour considérer qu’une exploitation ne remplissait pas sa fonction sociale. A ce titre, en 2004, le Président de la République a ordonné l’expropriation d’une exploitation ayant été déclarée d’intérêt social pour la réforme agraire. La commission relève l’indication du gouvernement selon laquelle cette expropriation a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal suprême fédéral, qui n’a toujours pas statué.

La commission considère que l’établissement de la liste répertoriant les personnes utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave et les mesures qui en découlent constituent des outils efficaces de la lutte contre le travail esclave. A cet égard, elle est préoccupée par les attaques dont sont l’objet les mesures prises par l’exécutif, que ce soit en ce qui concerne l’établissement de la liste elle-même ou les sanctions prises sur la base de cette liste à l’encontre des personnes qui y figurent.

La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures pour faire avancer les projets de loi auxquels elle s’est référée ci-dessus et, en particulier, ceux visant à garantir une plus grande sécurité juridique, ceci afin d’éviter que la question de la légalité de la liste ne soit utilisée par les contrevenants pour en sortir et que les mesures d’expropriation des terres ne soient contestées. La commission souligne à cet égard une nouvelle fois l’importance de l’adoption de la proposition d’amendement de la Constitution (PEC no 438/2001) destinée à autoriser l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave aura été constatée. Dans cette attente, la commission prie le gouvernement d’indiquer si le Président de la République a ordonné d’autres mesures d’expropriation et si le Tribunal suprême fédéral a statué sur la mesure d’expropriation prononcée en 2004 par le Président de la République.

b)Renforcement de l’inspection du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission a souligné le rôle central de l’inspection du travail et, en particulier, du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM), dans la lutte contre le travail esclave. Constatant que le GEFM est le maillon indispensable de cette lutte, la commission s’est inquiétée des pressions auxquelles il devait faire face, et a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour permettre au GEFM de mener ses activités dans un climat serein et exempt de menaces ou de pressions politiques et pour renforcer sa capacité d’intervention et de réaction.

Dans ses observations, la CUT reconnaît que le travail mené par le GEFM mérite les éloges. La CUT constate néanmoins que l’inspection du travail manque de ressources humaines et matérielles, soulignant en particulier la différence entre le nombre de plaintes déposées auprès du Secrétariat de l’inspection du travail (SIT) et le nombre d’opérations effectivement menées par l’inspection, ainsi que le climat de violence auquel sont confrontés les services d’inspection. Dans sa réponse, le gouvernement indique qu’il ne peut pas être complètement en désaccord avec cette affirmation. Toutefois, les mesures sont prises en vue de renforcer l’inspection du travail, notamment par la formation et la capacitation du personnel et par l’amélioration des infrastructures et de l’appui logistique. Le gouvernement précise que, en 2008, le GEFM était composé de neuf équipes, alors que quatre étaient en fonction jusqu’en 2003. La finalité première des interventions du GEFM est de retirer les travailleurs esclaves de leur environnement de travail, et les chiffres montrent que les actions menées par le GEFM n’ont pas cessé de s’intensifier avec un nombre toujours plus important d’exploitations inspectées et de travailleurs libérés (158 opérations menées en 2008 pour 301 exploitations inspectées et 5 016 travailleurs libérés). S’agissant du renforcement de l’institution, le gouvernement indique que des concours publics sont organisés régulièrement pour recruter de nouveaux inspecteurs et contrôleurs du travail; 192 candidats ont été nommés en novembre 2007, et l’administration a demandé l’organisation d’un nouveau concours. Du point de vue logistique, des véhicules supplémentaires ont été acquis, ainsi que du matériel informatique et technologique (GPS, etc.). En ce qui concerne la différence entre le nombre de dénonciations faites auprès du SIT et le nombre d’interventions de l’inspection, le gouvernement explique que les dénonciations passent par un processus de «filtrage» pour garantir une optimisation des ressources et l’efficacité des contrôles. Les dénonciations sont étudiées en fonction de certains critères: actualité des faits, localisation, sérieux et précisions des allégations. Les interventions du GEFM, par la mobilisation d’un nombre élevé de fonctionnaires de différentes institutions et d’un équipement important, représentent un coût financier conséquent, et il est donc indispensable de «filtrer» les dénonciations pour s’assurer de la réussite des contrôles réalisés. Enfin, le gouvernement indique que, malgré les menaces ou les pressions exercées par certains secteurs, notamment le secteur sucrier, le nombre d’inspections est resté élevé. Il rappelle également que la police fédérale et le ministère public accompagnent les inspecteurs du travail lors de chaque opération.

La commission prend note de l’ensemble des mesures prises par le gouvernement pour renforcer l’inspection du travail. Elle encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts et à prendre toutes les mesures pour s’assurer que le GEFM dispose des ressources humaines et matérielles adéquates pour se déplacer de manière rapide, efficace et sûre sur l’ensemble du territoire national. En effet, les inspections menées par le GEFM permettent non seulement de libérer les travailleurs des situations de travail forcé dans lesquelles ils se trouvent, mais également de mettre à disposition de la justice les documents qui serviront à initier les poursuites civiles et pénales contre les auteurs de ces pratiques et seront essentiels pour leur imposer des sanctions adéquates.

c)Application de sanctions efficaces. La commission rappelle que l’application effective de sanctions en cas de violation de la législation du travail est un élément essentiel de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où le travail esclave se caractérise par la réunion de plusieurs infractions à la législation du travail, qui doivent être sanctionnées en tant que telles. En outre, prises dans leur ensemble, ces violations du droit du travail concourent à la réalisation de l’infraction pénale de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave», qui elle-même appelle des sanctions spécifiques. La commission note que, dans ses observations, la CUT souligne que, pour mettre fin à la pratique du travail esclave, il est impérieux de reconnaître l’insuffisance des mécanismes de sanction et la nécessité d’alourdir les sanctions civiles et pénales.

Sanctions administratives. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de continuer à veiller à ce que les sanctions administratives infligées soient dissuasives et effectivement appliquées. Dans son rapport, le gouvernement rappelle que chaque infraction à la législation du travail constatée par le GEFM à l’occasion de ses inspections donne lieu à l’imposition d’amendes. Par ailleurs, le ministère public du Travail, dans le cadre de l’action civile publique, demande, en plus des amendes, le versement de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi par le travailleur et pour le préjudice moral collectif. Le gouvernement considère que les amendes et les dommages et intérêts demandés, alliés à l’établissement de la liste répertoriant les personnes ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave, constituent des instruments efficaces et dissuasifs de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où ils rendent économiquement désavantageuse l’exploitation du travail esclave. La commission prend note de ces informations et prie le gouvernement de continuer à veiller à ce que les amendes et les indemnisations imposées soient effectivement collectées. Elle incite le gouvernement à prendre toutes les mesures qui sont de son ressort et à accompagner les mesures prises par le pouvoir judicaire et la société civile pour continuer à exercer une pression économique sur les personnes qui exploitent le travail d’autrui: versement d’amendes et d’indemnisations d’un montant dissuasif, impossibilité d’accéder aux subventions et aux financements publics, impossibilité d’écouler sa marchandise et expropriation des terres.

Sanctions pénales. Depuis de nombreuses années, la commission s’inquiète du très faible nombre de condamnations prononcées par les juridictions pénales en application de l’article 149 du Code pénal pour réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave. Dans ses derniers commentaires, la commission a noté que, en décidant que la compétence pour instruire et juger le crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave appartient à la justice fédérale, l’arrêt du Tribunal suprême fédéral (STF) du 30 novembre 2006 a mis fin au conflit de compétence juridictionnelle qui avait empêché ou retardé le jugement des auteurs de ce crime. Dans son rapport, le gouvernement indique que la décision du STF ouvre la voie à une augmentation du nombre des condamnations pour ce crime. Pour l’année 2008, le gouvernement se réfère à deux condamnations: une condamnation à cinq ans de prison par la justice fédérale de Maraba et une condamnation à quatorze ans de prison par la justice fédérale de Maranhão. Par ailleurs, le gouvernement indique que, malgré la controverse sur la compétence juridictionnelle, le ministère public fédéral n’a jamais cessé de déposer des plaintes au sujet de ces crimes. La commission prend note de ces informations et espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement pourra faire état d’autres condamnations pénales. En effet, compte tenu du nombre de situations de travail esclave constatées par l’inspection du travail au cours de ces dernières années et de la pratique suivie par le ministère public fédéral consistant à demander à la juridiction compétente d’accueillir sa plainte (denúncia) en vue de l’ouverture d’un procès criminel, la commission veut croire que ces affaires pourront enfin aboutir, de manière à ce que les personnes qui ont imposé du travail forcé soient condamnées et que des sanctions réellement efficaces soient appliquées, conformément à l’article 25 de la convention. La commission considère que, pour faire reculer le travail esclave, il est indispensable, d’une part, de porter atteinte aux intérêts économiques de ceux qui exploitent le travail d’autrui et, d’autre part, de leur infliger les peines de prison prévues à l’article 149 du Code pénal, compte tenu de leur caractère dissuasif et de leur valeur symbolique.

d)Réinsertion des victimes. Dans de précédents commentaires, la commission avait noté que les travailleurs libérés suite aux inspections du GEFM avaient le droit à une prestation de chômage sous la forme de trois versements correspondant chacun à un salaire minimum. Elle relève que, dans son rapport, le gouvernement cite un ensemble de mesures visant à favoriser l’intégration des travailleurs libérés: a) inscription prioritaire de ces travailleurs dans le programme fédéral de redistribution des revenus «Bolsa Família». En cas d’éligibilité, les travailleurs reçoivent un revenu minimum d’insertion. En 2007, 1 453 travailleurs libérés en ont bénéficié; b) inscription des travailleurs dans le programme «Brésil alphabétisé»; c) initiation en novembre 2008, dans le cadre du système national de l’emploi, d’un projet pilote de placement de la main-d’œuvre rurale dans les zones où sévit le travail esclave. Ce projet vise à contourner le rôle de l’intermédiaire («gato»), qui constitue le premier maillon de la chaîne du travail esclave. Il s’agit, d’une part, d’informer les travailleurs sur leurs droits et leurs conditions de travail et de leur proposer des formations et, d’autre part, de mettre les employeurs en contact avec une main-d’œuvre ayant des profils variés. Ce projet permettra également au ministère du Travail et de l’Emploi de comprendre les spécificités du placement des travailleurs ruraux. La commission prend note de ces initiatives et prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour réinsérer les victimes et sur les résultats obtenus. Il est en effet essentiel d’accompagner matériellement et financièrement les victimes afin d’éviter qu’elles ne retombent dans une situation de vulnérabilité au terme de laquelle elles seraient de nouveau exploitées au travail. Prière également de fournir des informations sur les mesures prises pour sensibiliser les travailleurs des régions concernées aux risques encourus.

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